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Patrimoine mondial de l'UNESCO

Porte de Briançon, village fortifié de Mont-Dauphin

Le village fortifié de Mont-Dauphin est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des fortifications de Vauban.

Les fortifications de Vauban, inscrites sur la Liste du Patrimoine mondial de l'Unesco en 2008

Connaissez-vous Vauban ? Ce célèbre ingénieur du roi Louis XIV a créé un réseau hors du commun de sites fortifiés qui dessinent les frontières de la France actuelle. Génie reconnu dans l’art de la fortification bastionnée, Vauban a su s’adapter avec pragmatisme à chacun des lieux qu’il a choisis et sublimés par ses constructions. Apprécié du Roi-Soleil pour sa franchise, il a su gagner sa confiance absolue pour la défense du royaume. Observateur hors pair des territoires et des hommes, son œuvre, son action et ses réflexions en ont fait une figure incontournable du Grand Siècle. Comme à son époque, sa pensée résonne encore fortement aujourd’hui.

 

Plus de trois cents ans après lui, douze de ses fortifications s’unissent pour relever le défi d’une inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, qu’elles obtiennent le 7 juillet 2008. Déclinaison de toutes les facettes de l’œuvre de l’ingénieur, les douze Fortifications de Vauban sont uniques, authentiques, exemplaires. De la plaine du nord aux chaînes des Alpes et des Pyrénées, en passant par la côte ouest et par la frontière est, elles sont à présent les héritières de ce pan de l’histoire de France et les porte-drapeaux de la richesse de cette œuvre fortifiée universelle et exceptionnelle.

 

Au-delà de l’ingénieur et de son œuvre, les Fortifications de Vauban incarnent la diversité de la France, de ses paysages et de ses territoires, par la richesse de leurs cultures, de leurs couleurs, de leurs usages. Mémoires du passé, elles sont à présent des lieux vivants et adaptés à leur époque. Autrefois forteresses refermées sur elles-mêmes, elles sont aujourd’hui ouvertes sur le monde, tout comme les frontières qu’elles devaient défendre à l’époque de Vauban.  Écouter en live un célèbre groupe de rock au centre d’une place d’armes ? Atteindre en raquettes un fort de montagne en hiver ? Participer à une visite aux flambeaux à l’intérieur de remparts ? Rejoindre une tour insulaire en bateau amphibie ? Tout cela est aujourd’hui possible au cœur des Fortifications de Vauban !

 

Les Fortifications de Vauban : 12 sites unis, 12 mémoires vivantes du passé, 12 représentants de l'œuvre de Vauban et de son génie.

Les douze sites majeurs en images

Le patrimoine mondial ? Une prestigieuse liste pour un patrimoine sans égal

1959. Les temples d’Abou Simbel et de Philae, en Égypte, sont menacés de disparition sous les eaux du Nil. La communauté internationale prend alors conscience de la perte irréparable que cette disparition représenterait pour l’humanité toute entière. L’Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) lance une campagne de sauvegarde spectaculaire : les temples sont déplacés en lieux sûrs !

Cette prise de conscience d’un patrimoine commun, ou « patrimoine mondial », donne naissance à l’idée d’une responsabilité commune de la protection de ce patrimoine et de l’importance de sa transmission aux générations futures.

1972. Suite au sauvetage des temples égyptiens d’Abou Simbel et de Philae et à la prise de conscience d’un patrimoine mondial commun à tous, l’Unesco se dote d’un outil d’action collectif : la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.

La Liste du patrimoine mondial découle de cette Convention. Elle référence l’ensemble des biens dans le monde dont la valeur universelle exceptionnelle a été reconnue par l’Unesco. Depuis l’inscription des premiers biens en 1978, la liste n’a cessé de s’agrandir, au gré des évolutions de la notion de patrimoine (paysage culturel, par exemple) et de l’élargissement des possibilités d’inscription (bien composé de plusieurs sites se situant dans différents pays, par exemple).

 

[déf.] Patrimoine mondial = ensemble des biens, culturels et naturels, qui ont une valeur universelle exceptionnelle telle qu’ils sont irremplaçables pour l’humanité toute entière et qu’ils dépassent les principes de la propriété et des frontières nationales.

[déf.] Valeur universelle exceptionnelle = importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité.

 

Mais alors, quel rapport entre Vauban et le Patrimoine mondial ?

Vauban, génie et influenceur avant l'heure

Ingénieur, mais aussi concepteur, grand penseur du rôle de l’État et de la géopolitique, Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) est un sacré personnage. Le célèbre ingénieur au service du roi Louis XIV mène une vie à cent à l’heure : il construit ou modifie environ 160 fortifications, formant un véritable réseau de sites fortifiés à travers le royaume de France !

Grâce à ses nombreux voyages, Vauban devient un observateur hors pair du royaume. Toujours soucieux du bien commun, et n’hésitant pas à porter la contradiction face aux opinions dominantes, il puise de sa pensée et de son expérience de nombreuses idées, tels un projet d’impôt proportionnel à la richesse possédée, des réflexions sur la culture des forêts ou encore sur le dénombrement des populations !

Mais le génie de Vauban réside avant tout dans l’art de la fortification. Il réalise de nombreuses places-fortes adaptées à chaque site et aux moyens locaux tout en développant des plans-types de bâtiments (par exemple les casernes) et en augmentant la profondeur de la défense. Il porte la fortification bastionnée à un tel degré de perfection que ce système n’a jamais été aussi efficace qu’à travers ses constructions.

C’est pour toutes ces raisons que le Roi-Soleil lui accorde une confiance absolue pour la défense du royaume et lui laisse à partir du siège de Maastricht (1673) la conduite des tranchées d’attaque lors des sièges. Ainsi, Vauban marque durablement l’histoire des fortifications : son œuvre influence l’architecture militaire jusqu'au milieu du XIXème siècle, en Europe et même sur les autres continents : ses traités d’attaque et défense des places sont, par exemple, diffusés en russe et en turc !

 

[déf.] Fortification bastionnée = système développé par les ingénieurs italiens puis hollandais à partir du XVIème siècle, la fortification bastionnée succède à la fortification médiévale, qui était composée de hauts et épais remparts. La fortification bastionnée, pour résister au développement de l’artillerie de plus en plus puissante, offre des ouvrages défensifs qui s’échelonnent en profondeur, donc plus éloignés de l’ennemi et dissimulés au regard. Les tracés géométriques des bastions et des demi-lunes permettent en outre de supprimer tout angle mort et d’optimiser la défense d’une place forte.

Découvrez les sites majeurs en vidéo

Une œuvre fortifiée... qui dépasse les frontières !

C’est pour honorer l’œuvre unique de cet ingénieur génial que douze de ses fortifications relèvent le défi de l’Unesco et sont inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco le 7 juillet 2008, devant l’ensemble de la communauté internationale.

Pourquoi ces douze sites ? Parce qu’ils sont les plus représentatifs, les plus authentiques et les mieux conservés parmi les sites encore existants de l’œuvre de Vauban. Réunies en un seul et même bien en série, les douze Fortifications de Vauban portent ensemble une Valeur universelle exceptionnelle.

 

L’œuvre de Vauban constitue une contribution majeure à l’architecture militaire universelle. Elle cristallise les théories stratégiques antérieures en un système de fortifications rationnel basé sur un rapport concret au territoire. Elle témoigne de l’évolution de la fortification européenne au XVIIe siècle et a produit des modèles employés dans le monde entier jusqu’au milieu du XIXe siècle, en illustrant une période significative de l’histoire.

 

Une sacrée responsabilité

Pour relever le défi du Patrimoine mondial, le Réseau des sites majeurs de Vauban est créé en 2005. Il fédère les douze sites fortifiés et coordonne leur conservation, leur gestion et leur mise en valeur. Il a aussi pour vocation d’initier et de développer des programmes d’échanges et de recherche de niveau international.

Car l’inscription sur la fameuse Liste du patrimoine mondial par l’Unesco est une magnifique reconnaissance à l’échelle internationale, mais ce n’est pas une fin en soi ! La France s’engage, auprès de la communauté internationale et des générations futures, à préserver ce patrimoine exceptionnel et à le mettre en valeur. C’est donc un engagement commun de l’ensemble des personnes qui veillent sur les Fortifications de Vauban, et c’est surtout une sacrée responsabilité !

 

[déf.] Bien en série = bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial et qui inclut au moins deux éléments constitutifs reliés entre eux par des liens clairement définis. Un bien en série peut être national (c’est le cas des Fortifications de Vauban) ou transnational (par exemple, les Beffrois de Belgique et de France).

 

Fortifications de Mont-Dauphin
Fortifications de Mont-Dauphin

Marc Tulane

Les douze sites majeurs et leurs spécificités

Lorsqu’on pense à Vauban et à son œuvre, il nous vient instinctivement une image en tête : une fortification vue du ciel, en forme de rose des vents. Si cette vision symbolise bien l’art de la fortification à la Vauban, son œuvre ne se résume pas à cela ! Admirer ces fortifications et la perfection de leur conception permet de se rendre compte à quel point chacune d’entre elles est exceptionnelle.

Uniques et imprenables : voilà comment qualifier, en deux mots, les douze fortifications de Vauban inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Tout le génie de Vauban réside dans sa capacité à faire sien le territoire à fortifier : en étudiant le sol, les reliefs, les points faibles et les points forts, Vauban sait exactement quelles constructions militaires vont le mieux faire face aux attaques. Ce n’est pas pour rien que l’on disait au XIXème siècle : « Toute ville assiégée par Vauban, ville prise, toute ville défendue par Vauban, ville imprenable » !

 

Partons pour un tour de France, à l’assaut de ces fortifications sans égales !

De la plaine du nord aux chaînes des Alpes et des Pyrénées, en passant par la côte ouest et par la frontière est, les Fortifications de Vauban sont partout : elles dessinent des frontières tangibles et forment une véritable « ceinture de fer » protégeant le royaume. Vauban n’a de cesse de s’adapter à tous les sites, à tous les reliefs et à toute la diversité des paysages de la France, avec beaucoup de pragmatisme. Il recourt par exemple autant que possible au matériau de construction qu’il trouve sur place pour assurer une solidité des bâtiments à toute épreuve.

Qu’il s’agisse d’une tour de bord de mer conçue pour défendre l’accès d’un port, d’une place forte construite de toutes pièces en montagne, ou d’une enceinte urbaine composée de tours bastionnées, ces douze sites majeurs constituent les meilleurs exemples de cette œuvre de l’esprit, construits dans des lieux choisis et sublimés par l’ingénieur.

Le bien en série « Fortifications de Vauban » est constitué des composantes suivantes :

  • la citadelle d’Arras : citadelle neuve de plaine du « premier système  »
  • la citadelle, l’enceinte urbaine et le fort Griffon de Besançon : adaptation à un site de méandre dominé - « deuxième système » de Vauban pour les tours bastionnées
  • l’enceinte urbaine et les forts Pâté et Médoc à Blaye/Cussac-Fort-Médoc : verrouillage d’un estuaire et adaptation aux ouvrages préexistants (enceinte de Blaye), tour défensive ovale (fort Pâté), portes et défenses hydrauliques (fort Médoc)
  • l’enceinte urbaine, les forts des Salettes, des Trois-Têtes, Dauphin et du Randouillet, la communication Y et le pont d’Asfeld à Briançon : adaptation totale au site/absence de système. Étagement des défenses se flanquant mutuellement dans toute la hauteur et exceptionnelle qualité du paysage fortifié ainsi créé
  • la tour Dorée à Camaret-sur-Mer : fort à la mer à batterie basse et tour de gorge
  • la ville neuve de Longwy : une des neuf villes neuves de Vauban, dont les bâtiments intérieurs et le plan d’urbanisme ont été préservés et qui est conservée dans son environnement
  • la place forte de Mont-Dauphin : création d’une place forte du « premier système » en montagne
  • la citadelle et l’enceinte de Mont-Louis : fortification du « premier système » adapté à la montagne, intégrant un très bel ensemble de bâtiments militaires
  • la ville neuve de Neuf-Brisach : ensemble de synthèse, à la fois pour l’urbanisme et comme seul exemple du « troisième système »
  • l’enceinte et la citadelle de Saint-Martin-de-Ré : citadelle et enceinte urbaine dans un site insulaire
  • les tours-observatoires de Saint-Vaast-la-Hougue / Tatihou : troisième type de tour à la mer de Vauban, après le fort compact (Pâté) et la tour à batterie basse (Camaret-sur-Mer)
  • l’enceinte, le fort Libéria et la Cova Bastera à Villefranche-de-Conflent : fort avancé en montagne, adaptation d’une enceinte médiévale en montagne

 

 

Incarnant la diversité de la France, de ses paysages, de ses territoires, les douze sites majeurs sont les héritiers de ce pan de l’histoire de France et les porte-drapeaux de la richesse de l’œuvre de Vauban.

Douze sites majeurs pour autant de cultures, de couleurs, d’usages. Douze sites majeurs qui portent la mémoire du passé.
Douze sites majeurs qui sont aujourd’hui vivants et fiers de leur histoire.