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Histoire de la bataille de Little Bighorn

Custer's last fight, par Otto Becker, 1896

Découvrez l'histoire de la bataille de Little Bighorn, dernière victoire des amérindiens sur l'armée fédérale américaine.

La colonisation américaine

L'Amérique avant la colonisation : les peuples natifs

Avant l’arrivée des Européens, les communautés amérindiennes sont regroupées en grandes tribus, elles-mêmes divisées parfois en plusieurs clans. 

La première classification pertinente concerne le mode de vie des amérindiens. Les peuples sédentaires, vivant principalement dans la région des Grands Lacs au nord-est des États-Unis actuels et dans la vallée du Saint-Laurent, sont les Iroquois. Ils vivent en petits villages, parfois fortifiés, dans des habitations longues pouvant abriter plusieurs dizaines de personnes. Le développement de techniques agricoles les a poussés à se sédentariser au contraire des Algonquiens. Ces derniers sont nomades et vivent principalement de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Au Nord de la région des Grands Lacs, plus précisément dans la Baie d’Hudson, vivent les Inuits. Ce sont également des tribus nomades, vivant principalement de la chasse d’animaux et d’oiseaux marins ainsi que de la pêche.

Cette première classification permet de distinguer les différentes particularités ethniques des tribus natives américaines. Toutes sont empreintes d’une grande spiritualité, assimilable au chamanisme. Le peuple Algonquien est numériquement le plus important, géographiquement le plus étendu et c’est celui qui comporte le plus de subdivisions, de différences et de conflits internes. Bien que la spiritualité amérindienne soit en grande partie basée sur le respect des éléments naturels et des autres êtres vivant qui les entourent, les Algonquiens sont un peuple guerrier. Les différents clans se livrent une guerre féroce, non pas pour la conquête de territoires mais principalement pour l’accès aux ressources naturelles et surtout pour le gibier. Il convient de préciser que la valeur d’un Algonquien ne se mesure pas à ses possessions mais à ses prouesses guerrières. Ainsi, aucun de ces amérindiens n’est attaché à un territoire ou à une quelconque richesse mais bien à sa bravoure au combat. Ces conflits incessants entre les tribus entrainent de nombreux affrontements sanglants et meurtriers, desquels les hommes retirent leur fierté. C’est ainsi qu’un guerrier amérindien, conditionné pour se battre dès son plus jeune âge, peut à tout moment lancer des raids contre une autre tribu. Ces raids apportent, s’ils sont gagnés, des chevaux, des femmes. La plupart des tribus pratiquent le scalp et d’autres trophées humains.

Au nord-ouest du territoire américain, certaines tribus se sont regroupées, partageant des modes de vie et des croyances communes et permettant de nouer des alliances stratégiques. Créée par les indiens sous le nom de « Conseil des 7 feux », cette grande organisation indienne sera connue des européens sous l’appellation « sioux ». Les 7 feux désignent les 7 tribus originelles : les Sisseton, les whapetons, les whapekutes, les mdewakantons qui forment à eux quatre la grande famille des dakotas. Viennent ensuite s’ajouter les yanktons et les yanktonnais formant la famille des nakotas, et enfin les lakotas qui représentent à eux seuls 60% du peuple sioux. Cette dernière famille se subdivise à nouveau en 7 tribus, parmi lesquelles plusieurs participeront à la bataille de Little Bighorn : les hunkpapas, les oglalas, les sihasapas, les minneconjous et les itazipacolas.

 

L'arrivée des colons européens

C’est au XVe siècle que les premiers européens foulent le sol du Nouveau Monde. Après l’arrivée sur le continent de Christophe Colomb en 1492, au service d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, c’est au tour des autres royaumes européens d’envoyer leurs explorateurs : le Portugal, l’Angleterre puis la France et même les Pays-Bas. Ces nombreuses expéditions n’ont pourtant pas, en premier lieu, vocation à installer durablement des colonies. L’équipage composé seulement d’une cinquantaine de marins, souvent diminué durant la longue traversée de l’Atlantique, et le manque de matériel sur place ne permet en effet que de séjourner de manière temporaire en Americana, baptisée ainsi à la suite des découvertes du navigateur Amerigo Vespucci (1454-1512) en 1510.

Il faut attendre le début du XVIIe siècle pour voir débuter les premiers voyages d’européens désireux de débuter une nouvelle vie. En juillet 1620, le navire Mayflower quitte le port de Londres pour rejoindre le Nouveau-Monde. Parmi la centaine de passagers, une trentaine de dissidents anglais, réfugiés pour un temps au Pays-Bas, décidés à fonder leur propre colonie outre-Atlantique, où ils pourraient pratiquer librement leur religion sans crainte d’être persécutés. Ceux que l’on nomme communément les Pilgrim Fathers  posent le pied sur le sol américain en novembre 1620 après plusieurs mois d’un voyage éprouvant. Ils fondent la colonie de Plymouth située dans la baie de l’actuel Massachussetts, plus précisément dans la baie de Cape Cod, sur la côte est du continent.

Cette terre promise fait endurer aux colons des premières années difficiles : maladies, difficultés à cultiver la terre, climat parfois rude. Les relations avec les tribus indiennes sont au départ timides mais globalement apaisées. Certaines tribus indiennes comme les Wampanoags, dirigés par le chef Massasoit viennent même en aide aux colons en leur fournissant de la nourriture et en leur enseignant des techniques pour cultiver la terre . Rapidement, le fossé culturel entre les colons et les amérindiens instaure une incompréhension réciproque. D’un côté, les indiens voient d’un mauvais œil l’arrivée de « l’homme blanc » qui conclut des pactes avec certaines tribus, entrant ainsi directement dans les conflits internes aux natifs. Ce nouvel ennemi a de surcroit des techniques de combat drastiquement opposées à celles des amérindiens. Les armes à feux, arrivées sur le continent avec les colons sont des armes impures et déloyales, les amérindiens préférant les combats au corps à corps, aussi sanglant que possible afin de pouvoir retirer à l’adversaire tout son honneur. De leur côté, les colons américains voient les Indiens comme des « sous-hommes », très peu vêtus, vivant comme des bêtes et n’ayant aucune croyance assimilable au christianisme. L’affrontement semble inévitable d’autant que les colons européens sont convaincus de leur mission de christianisation dans ce nouveau monde. En plus de cette mission d’évangélisation, ils sont habités par l’idée que si une terre n’est pas revendiquée par un peuple chrétien, elle n’appartient à personne et donc, leur appartient. Après les premières colonies, c’est bientôt toute la côte est de l’Amérique qui se voit colonisée par des européens de nationalités diverses.

Les guerres amérindiennes et la bataille de Little Bighorn

Le début des affrontements

Le conflit entre les colons et les amérindiens se définit par une multitude de petits affrontements, sur une très longue période. Il ne s’agit pas d’une guerre avec deux armées de belligérants qui s’affrontent. Au milieu du XVIIIe siècle, les premiers massacres localisés sont à la fois le fait des américains et des amérindiens. Les deux camps adoptant la même rhétorique : la vengeance .

Une fois de plus, le tableau n’est pas celui d’une rivalité affirmée de manière constante, en témoigne la participation active des amérindiens durant la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Ce conflit oppose initialement les puissances européennes mais rapidement, s’étend à tous leurs territoires éloignés du sol européens. La Grande-Bretagne entre en guerre contre la France et le Saint-Empire avec à ses côtés, la Prusse et le royaume du Portugal. En Amérique, les Français s’allient aux Iroquois tandis que les Anglais nouent une alliance avec les Mohicans. Les peuples amérindiens participent aux combats aux côtés de leurs alliés blancs et y voient une nouvelle façon de s’opposer aux autres tribus rivales. Pour les colons, ces alliances permettent de légitimer la captation terrienne des territoires alliés.  Il faut rappeler qu’à cette période, les Européens sont largement implantés sur le territoire américain même si l’entité politique des États-Unis est en gestation. Ainsi, le territoire se partage principalement entre la France, l’Angleterre, et l’Espagne.

Cherchant à se détacher de plus en plus de la monarchie britannique, les colons déclarent leur indépendance en 1776 : c’est la naissance des États-Unis d’Amérique. Le territoire des États-Unis se limite alors aux treize colonies sur la côte est du continent. Le territoire amérindien se trouve au-delà des Appalaches. De l’autre côté du Mississippi, le continent est sous domination française et espagnole. La suite de cette épopée territoriale est communément appelée « la conquête de l’Ouest ». En 1800, les États-Unis s’approprient le territoire amérindien et repoussent ainsi leur territoire jusqu’à la frontière avec la Louisiane française. Cette dernière est vendue en 1803 par Napoléon Bonaparte aux États-Unis pour la somme de 50 000 francs de l’époque. Cet achat par les États-Unis double la surface du territoire et leur permet de mener les premières expéditions pour rejoindre la côte Ouest . Les puissances européennes quittent peu à peu le territoire américain laissant le champ libre aux États-Unis, de plus en plus organisé politiquement et militairement. Ainsi, des lois apparaissent concernant le sort des Amérindiens. En 1830, l’Indian Removal Act est voté par le Congrès puis signé par le président Jackson. Il ordonne la déportation de « tous les indiens vivant sur les territoires allant de la frontière des Treize Colonies aux bords du fleuve Mississippi, vers un territoire situé au-delà de ce dernier ». Cette loi est une rupture totale et affirmée des États-Unis avec les peuples amérindiens et sonne la fin d’une possible conciliation déjà bien érodée. Cet acte est aussi le premier d’une longue série visant à regrouper les amérindiens dans des réserves en captant leurs territoires. Ceux qui se soulèvent sont réduits au silence par la violence comme ce fut le cas en 1810 avec le massacre des Cherokee.

Durant près d’un siècle, l’expansion territoriale des États-Unis est quasi ininterrompue. Près de 400 traités sont signés avec les amérindiens pour leur garantir un territoire mais ils sont tous violés un à un par les américains. Ces violations entraînent de nombreux conflits et affrontements entre les peuples amérindiens et l’armée américaine. La différence technique en matière d’armement et l’existence d’une armée de métier côté américain donne lieu à des combats inégaux.

 

Little Bighorn : la victoire amérindienne dans les Black Hills

En 1868, le traité de Fort Laramie, précédé du traité de Medecine Lodge Creek en 1867 garantissent aux sioux un territoire protégé des américains. Celui-ci s’étend entre les actuels états du Montana, du Wyoming, du Dakota du Sud et du Dakota du Nord. Pourtant, les incursions américaines dans la réserve sioux sont fréquentes et les raids amérindiens en signe de riposte sont tout aussi nombreux. Il faut dire que l’intérêt pour ce territoire ne fait que s’accroître côté américain : de nombreux gisements aurifères ont été découverts et les colons comptent bien se les approprier, quitte à chasser les sioux. Le colonel Georges Armstrong Custer (1839-1876), vétéran de la guerre de Sécession, à la tête du 7e régiment de cavalerie est envoyé avec ses hommes sur place afin de garantir la sécurité des expéditions américaines dans les collines des Black Hills. Ces terres sacrées pour les sioux voient à plusieurs reprises des groupes de plus de 1000 hommes, scientifiques et militaires, à la recherche des gisements aurifères et de la promesse de richesse qu’ils renferment. 

Face à cette violation du traité de Fort Laramie, la résistance amérindienne s’organise. Autour de Sitting Bull, chef spirituel des sioux hunkpapas et du chef guerrier des sioux oglalas Crazy Horse, une congrégation de guerriers amérindiens se créé bientôt rejoints par les Cheyennes du Nord, dirigé par Lame White Man. Ces derniers amènent également avec eux des guerriers de leurs alliés de longue date les Arapaho. Cette congrégation d’environ 1500 guerriers est dirigée spirituellement par Sitting Bull et militairement par les chefs de guerre des différentes tribus alliées.

En septembre 1875, une commission est créée afin de mener à bien des négociations avec les amérindiens concernant le territoire des Black Hills. Les sioux refusent tout compromis et menacent les américains de sévères représailles s’ils pénètrent à nouveau sur leur territoire. Pour les américains, il apparaît nécessaire de neutraliser les amérindiens libres avant qu’ils ne portent atteinte aux expéditions. Plusieurs attaques américaines ont lieu au printemps 1876, afin de regrouper et de neutraliser les sioux. Ces attaques ne font qu’accroître le nombre de guerriers prêts à livrer bataille aux côtés de Sitting Bull contre l’armée américaine.

Le 25 juin, Custer à la tête de 216 hommes, est accompagné du commandant-major Marcus Reno (1834-1889) et ses 170 hommes, du capitaine Frederick Benteen (1834-1898) à la tête de 165 hommes. Enfin, le capitaine Thomas Mower McDougall (1845-1909) assure le transport des munitions et la base arrière avec 101 hommes. Le plan de Custer est d’attaquer le camp des sioux et des cheyennes réunis le long de la rivière de Little Bighorn par plusieurs côtés, les forçant alors à se battre en les prenant au piège. Vers 15 h les Crow Scouts  de Custer l’informent que le camp amérindien a repéré les mouvements de troupes américains et qu’il est temps de passer à l’offensive. C’est Reno qui attaque en premier par le Sud, pendant que Custer longe les collines environnantes pour assaillir le campement par le Nord, assurant à Reno le soutien de ses troupes. Rapidement, les troupes conduites par Reno sont en difficulté face aux amérindiens venus à leur rencontre. N’ayant aucun visuel sur la position de Custer et son éventuelle assistance, il décide de se replier et de rejoindre Benteen. Les amérindiens ont repoussé Reno mais aperçoivent Custer et ses hommes. Crazy Horse prend alors la tête d’un petit groupe de guerriers pour aller à leur rencontre. Pendant ce temps, le chef hunkpapa Gall mène une attaque sanglante à l’Est contre une partie des compagnies de Reno et de Benteen venues en renfort pour Custer. Divisées en plusieurs endroits et mal informées sur le nombre réel d’amérindiens, les forces américaines sont décimées et Custer meurt pendant la bataille. Plus de 250 hommes de l’armée américaine sont tués contre environ 100 amérindiens . Le chef cheyenne Lame White Man fait partie des pertes amérindiennes.

La dernière victoire amérindienne dans la mémoire collective

Les amérindiens après Little Bighorn

La bataille de Little Bighorn reste dans la mémoire collective comme la dernière et la plus éclatante victoire des amérindiens sur l’armée fédérale américaine. Dans les années suivantes, l’armée américaine prendra petit à petit le contrôle des Black Hills et développera l’exploitation des gisements d’or. À partir de 1879 et jusqu’en 1886, les derniers affrontements appelés Guerres Apaches se déroulent dans le sud-ouest des Etats-Unis. Leur destin est similaire à ceux du reste du territoire américain. La reddition de Géronimo, chef chiricahua qui a résisté au système des réserves imposé par les américains jusqu’en 1886, marque un tournant. À partir de cette date, les Etats-Unis n’auront de cesse de légiférer afin d’empêcher les amérindiens de se soulever. Le Dawes Act proclamé en 1887 change les territoires en propriétés individuelles, ce qui contraint les amérindiens à se les approprier nominativement. Cette démarche va à l’encontre de leurs coutumes, mais ceux qui refusent voient leurs terres léguées à des américains. Entre 1887 et 1934, le territoire occupé officiellement par les amérindiens passe de 560 000 km2 à 190 000 km2. On compte aujourd’hui 326 réserves amérindiennes aux États-Unis, pour une population d’environ 5 millions d’amérindiens, gardiens des traditions de leurs ancêtres.

 

Les lieux de mémoire et la bataille dans le souvenir collectif américain

Le site historique de la bataille de Little Bighorn est aujourd’hui situé non loin de la réserve amérindienne Crow Agency dans l’état du Montana. Custer y a été enterré en 1877, ce qui a motivé les autorités à en faire un cimetière national américain. Il sert donc de mémorial pour les soldats de l’armée américaine ayant péri durant les combats. En 1886, le site est nommé « Cimetière national de la réserve du champ de bataille de Custer » avant que le nom ne soit raccourci en « Cimetière national de Custer », puis en 1946 « Custer Battlefield National Monument ». Custer et la bataille de Little Bighorn d’ailleurs souvent mieux connue des américains sous le nom de « L’ultime résistance de Custer », sont véritablement ancrés dans le roman national américain. Pour l’anecdote, Custer est le personnage historique américain à propos duquel il a été publié le plus d’ouvrages à ce jour, après le président Lincoln. En 1976, l’American Indian Movement protesta contre la commémoration du centenaire du site, argumentant qu’il était un lieu de vénération de Custer et de la bataille de Little Bighorn au détriment du massacre amérindien. Malgré ces protestations, il faudra attendre 1991 pour que le site soit officiellement rebaptisé «Little Bighorn Battlefield National Monument ». En 2003, un monument est érigé en hommage aux guerriers amérindiens également morts durant le combat. L’inauguration a eu lieu en présence des descendants de Sitting Bull et de Custer, en partie à l’initiative de ce projet. Ce long chemin vers la reconnaissance amérindienne est à l’image de l’histoire des tribus et du sort qu’il leur a été réservé par la société américaine. Il faudra attendre 1924 pour que les amérindiens obtiennent s’ils le désirent la nationalité américaine et les années 1950 pour que l’Arizona soit le premier état à leur conférer le droit de vote.

 

Mémorial de la bataille de Little Bighorn
Mémorial de la bataille de Little Bighorn

Karen Martinez

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